Septembre 1898
1400 - Télégramme
Amiral Pottier à Marine Paris.
Depuis le 3 Septembre, dîme est perçue dans secteurs français, italien, russe et zone internationale.
Gouverneur général a protesté.
À Rethymno, Colonel russe a dû menacer d'employer la force pour se faire remettre service.
À Candie, Gouverneur turc refuse absolument de remettre service entre mains des Anglais.
Sommation va être faite au Gouverneur Général de donner ordres à Gouverneur Candie.
En cas de refus, démonstration internationale sera faite à Candie.
Amiral russe a été invité par Gouvernement à prendre avis de ses collègues sur la question de savoir au nom de quel pouvoir doit être fait l’emprunt.
Je suis très embarrassé pour répondre.
*******autographe Pottier *****
1401 - Télégramme
Amiral Pottier à Marine Paris.
Gouverneur général vient de donner ordre pour qu’à Candie service de la dîme soit remis aux Anglais. C'est toujours même tactique d'opposition jusqu'à menace de la force. Il est permis de supposer qu'il en serait de même pour le retrait des troupes.
Signé Pottier.
Candie, 5 Septembre, 8h du soir.
Télégramme de Monsieur Ittar au Consul français à La Canée
Démonstration imposante des réfugiés musulmans non armés sur place d'armes et hauteurs environnantes.
Exprimèrent plainte que ayant consenti à l’ouverture du marché contre promesse de l’élargissement du cordon, rien ne fut exécuté ;
que tandis que des facilités sont accordés aux Chrétiens pour entrer en ville et exercer leur commerce, aucune mesure ne fut prise pour assurer la sortie des Musulmans dans leurs villages et en finir avec leur réclusion en ville, qui les condamne à toutes espèces de privations, à la ruine complète de leurs propriétés ;
qu’ils protestent contre les perceptions de la dîme par les insurgés au détriment des services publics de la ville ;
que par nécessité inéluctable, l’hiver arrivant, ils seront obligés de recourir à couper les arbres et à démolir les maisons des Chrétiens pour en tirer du bois;
que ne pouvant plus tolérer le traitement partial dont il se croient victimes, ils refusent de se rendre au marché, s’opposeront à l'entrée des Chrétiens en ville.
L'ordre en ville n'a pas été troublé.
Signé Ittar.
La Canée, 6 Septembre 3h40 du soir
Télégramme du Commandant Supérieur anglais à l’Amiral
Anglais attaqués, plusieurs blessés, envoyez navire.
Signé Hallet
Candie, 6 Septembre, 4h21 du soir
Dépêche de Monsieur Ittar au Consul italien à La Canée
Détachement soldats Marine anglaise débarqua pour installer employés dîme occupant débarcadère devant douane ;
autre détachement troupes de terre anglaises occupa la porte du port.
Foule musulmane non armée voulant forcer ce passage, on fit feu sur elle, il y eut des blessés, sur quoi Musulmans prirent les armes, et attaquèrent les Anglais. Fusillade dure depuis une heure. Ignore résultats.
Signé Ittar
6 Septembre 5h du soir
Télégramme reçu de Candie par le Consul anglais à La Canée
Le « Hazard » bombarde à Candie, 15 coups environ tirés jusqu’à présent.

Le Hazard
Les Turcs mettent le feu à toute la ville.
Si un gros navire n'arrive pas à temps, toute la ville sera réduite en cendres.
La maison du Directeur du télégraphe a été brûlée, la famille est sauvée mais le sort du père et d'un domestique n'est pas connu.
De même pour trois employés du télégraphe qui étaient en dehors du bureau.
Signé Biliotti
6 Septembre 6h du soir
Dépêche du Consul de Russie à La Canée
Djevad Pacha a chargé Consul anglais d'informer Conseil Amiraux qu'il est disposé envoyer un bataillon à Candie sur navires européens si Amiraux désirent.
Ismaïl Bey s'y rendrait également.
Djevad a ordonné Edhem de faire coopérer troupes turques au rétablissement ordre de concert avec Colonel anglais, mais ce dernier se trouve au quai et la porte est fermée.
Edhem vient d'envoyer une compagnie hors la porte aux ordres du Colonel.
Signé Déméric
6 Septembre 1898, 8h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Graves désordres ont éclaté à Candie.
Collision entre troupes anglaises et population musulmane.
Incendies considérables.
Navires de guerre de toutes Puissances partent pour Candie.
J'y envoie « Vautour ».
6 Septembre 8h50 du soir
Lettre du Commandant Supérieur anglais à l’Amiral anglais
Le combat est fini pour le moment, cernés, embarqué en partie sur le navire, plusieurs soldats et matelots tués ou blessés.
6 Septembre, 11h55 du soir
Dépêche de l'Agent Consulaire France à Candie
Continuation après avoir attaqué soldats anglais porte port envahirent quartiers chrétiens tirant coups fusil contre fenêtres, mirent feu grand nombre de maisons, magasins, entre autres mon bureau, chancellerie, poste française ; on dit même quelques soldats anglais, Consul britannique tués. Navire guerre lança bombes sur ville dont partie est proie des flammes.
Garnison anglaise réintègre navires. On craint destruction pillages majeurs pendant nuit.
Signé Ittar.
Candie 7 Septembre, 2h matin
Dépêche du Croiseur « Astraea » à l'Amiral Pottier
Assistance of the troops required if possible.
Signé Astraea

L'Astraea
Candie, 7 Septembre, 0h18 du soir
Télégramme du Commandant du « Camperdown » à l'Amiral Pottier
Les Chrétiens se massent en dehors du cordon, les chefs insurgés rapportent que c'est en apprenant ce qui s'est passé, et parce qu’ils ont des parents en ville.
Le Vice-Consul anglais est tué.
La situation est très grave.
Signé Camperdown
7 Septembre 1898, 10h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Situation grave à Candie, plusieurs soldats anglais tués et blessés.
Une compagnie Infanterie de Marine et une de Bersagliers partent à l’instant pour renforcer troupes anglaises.
Je donne ordre au « Faucon » de se tenir prêt à me rallier.
À La Canée tout est calme.
Candie, 7 Septembre, 1h30 du soir
Télégramme du Commandant du « Camperdown » à l'Amiral Pottier

Le Camperdown
Impossible de débarquer personne derrière le port, les Musulmans étant en possession de la ville.
Je suis à débarquer quelques hommes sur la plage à l'Ouest des fortifications, le temps est si mauvais que c'est assez dangereux et que l’opération se fera très lentement, mais sans courir de risques.
Aucune autre attaque n'a eu lieu aujourd’hui.
Les chefs insurgés ont offert leur assistance ; ils ont été remerciés et aucun insurgé ne sera autorisé à intervenir.
Les pertes totales d’hier sont : 1 officier et 13 soldats et marins tués et 2 officiers et 40 hommes blessés.
Edhem Pacha est venu me voir ce matin, il semble n'avoir aucune autorité sur les Musulmans.
Je vais écrire par le torpilleur russe.
Je ne puis pas vérifier perte avec exactitude mais elle est lourde.
Signé Camperdown
7 Septembre 1898, 4h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Commandant anglais me télégraphie que situation est très grave et que leurs pertes hier sont : 1 officier, 13 marins et soldats tués, 2 officiers, 40 hommes blessés, Vice-Consul anglais tué.
Consulat Allemagne, Chancellerie et Postes françaises brûlés ainsi que grand nombre maisons.
Câblerai à mesure que j'aurai détails. Situation Canée toujours calme mais grande inquiétude.
Le « Wattignies » n'est pas prêt. Prière envoyer autre navire.
De Candie, 7 Septembre, 4h20 du soir
Télégramme adressé à l'Amiral Pottier
Les pertes des Chrétiens ont été très lourdes la nuit dernière, seulement 300 ont quitté la ville au-delà du cordon. Les Chrétiens se massent ; 400 ont traversé le cordon et s'avancent en escarmouchant.
Donné l'ordre aux Anglais de rester neutres. Situation très grave.
La Canée, 7 Septembre, 5h30 du soir
Télégramme du Gouverneur Ismaïl à l'Amiral Pottier
Je reçois de Candie le télégramme suivant. Je prie Messieurs les Amiraux de me répondre les dispositions qu'ils adopteront pour mettre fin au combat :
Au gouverneur Ismaïl :
D'après un rapport que je viens de recevoir, les insurgés ont attaqué en grand nombre les troupes ottomanes depuis Viran Keni jusqu'à la ferme de Gournes.
Ils incendient les arbres des Musulmans, le combat continue, comme ce fait aura des suites fâcheuses, je vous supplie instamment de faire des démarches pressantes auprès des Amiraux pour qu'ils empêchent les attaques.
Signé Edhem
Candie, 8 Septembre, 8h30 du matin
Télégramme du Commandant du « Camperdown »
Nuit tranquille, grands incendies, 250 hommes et marins viennent de Malt,
Morosini, Vautour, Etruria débarquent des hommes à Paleocastro.
300 réfugiés chrétiens à bord « Camperdown ».
Candie, 8 Septembre 11h40 du matin
Télégramme du Commandant du « Camperdown » à l’Amiral Pottier
Les Chrétiens situés en dehors du cordon prennent des positions.
De nombreux bachi-bouzouks ont quitté la ville pour occuper les villages.
Attendons sans tarder un conflit qu'il est impossible de prévenir.
Je n'interviendrai pas activement à moins d’être attaqué.
Le bureau du télégraphe est intenable et près de fermer.
Signé Camperdown.
8 Septembre 1898, 11h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Au sujet arraisonnement, Amiral russe a toujours été d'avis qu’il ne faut pas revenir sur notre décision, il va télégraphier de nouveau à son Gouvernement.
Autres Amiraux ne sont pas sur rade.
À Candie nuit a été calme.
Troupes renfort ont pu débarquer et rejoindre camp anglais cerné ; Commandant anglais ne me dit pas si on a dû le faire en combattant.
250 soldats avec 2 navires ?? sont partis de Malte.
Candie, 8 Septembre 4h15 du soir
Télégramme du commandant du « Camperdown »
J'ai écrit à Edhem Pacha lui disant que les Consuls ont décidé de se rendre à bord de leurs navires respectifs, en laissant leur pavillon flottant sur leurs Consulats, sous sa garde et le tenant responsable de leur sécurité, qu’il est également tenu responsable du résultat de toutes les mesures que les Commandants pourraient avoir à prendre si la tranquillité de la ville était troublée.
Les renforts français, italiens et russe sont parvenus sans incident au camp.
J'ai demandé l'occupation de deux forts dans la ville pour assurer la sécurité des lignes internationales qu'ils commandent. Les insurgés sont très apaisés par l'entrée des renforts et se sont retirés de leur position.
J'espère que le bureau de télégraphe pourra rester ouvert.
Signé Camperdown
8 Septembre, Candie, 4h40 du soir
Commandant du « Vautour » à Amiral Pottier
Ce matin réunion Commandants décida envoyer Edhem Pacha lettre disant :
Commandants invitent Consuls et tous ressortissants venir sur navires en gardant pavillons sur Consulats sous sauvegarde Gouverneur et lui laissant responsabilité des mesures que prendront Commandants si tranquillité ville est troublée.
Russes débarquent 6 hommes pour garder leur pavillon.
On a demandé à Edhem Pacha occupation un fort pour sûreté troupes internationales. Réponse attendue.
Insurgés ont averti ils resteront tranquilles pour le moment, puisque cordon turcs laissa passer troupes débarquées Rokdia.
Infanterie de Marine est sur remparts, nous assurerons ravitaillement autant que possible avec ressources bord suffisantes 10 jours.
Signé Rosière
8 Septembre 1898, 6h30 du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Amiraux demandent urgence un bataillon renfort.
Dépêche identique suivre.
9 Septembre 1898 à voir date 21 Septembre ?????
D’Athènes à Sphakianakis - Canée
Gouvernement Royal vous recommande user toute votre influence pour prévenir rixes entre Chrétiens et Musulmans, telle éventualité rendrait difficile œuvre Puissances.
Signé Guennadis
9 Septembre 1898, 8h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Je donne ordre au « Faucon » de me rallier.
Situation la même.
« Vulcan » va arriver de Malte avec 500 hommes.
9 Septembre 1898, 6h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Amiral italien a reçu avis qu'un bataillon va partir de Naples et que « Lombardia » vient renforcer Escadre.
Pas de nouvelles de Candie.
À Canée calme, mais toujours inquiétude.
10 Septembre 1898, 8h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
L'Amiral italien également avis maintenir décision au sujet arraisonnement.
Envoi dépêche identique retardé par difficulté entente avec Commandant anglais qui est à Candie.
N° 142
Séance du 10 Septembre 1898
Le Commandant Supérieur anglais, retenu à Candie, n’assiste pas à la séance.
Le Commandement supérieur international ayant appris que le vapeur « Edith » devait quitter le port de La Canée, pour aller embarquer à Armyro, d’Apokorona, une bande de 300 insurgés et les conduire près de Candie, a prescrit au Commandant de ce vapeur, de ne pas quitter le port.
Pour éviter que semblable incident se reproduise, les Amiraux chargent les Consuls d'écrire aux Directeurs des Compagnies de navigation intéressées, que leurs navires ne doivent pas embarquer en Crète, des Chrétiens avec leurs armes, pour les transporter en un autre point de l’île et d'informer le Président du Comité Exécutif, Monsieur Sphakianakis de cette décision.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 10 Septembre 1898
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Candie, 10 Septembre, Midi
Télégramme du Commandant du « Camperdown »
Réponse envoyée par Russe, je suis d’accord mais je demande que les bachi-bouzouks soient éloignés.
Amiral Noël vient sur « Revenge ».

Le Revenge
Pas de nouveaux troubles.
Signé Camperdown
De Candie, le 10 Septembre, à Midi 15
Dépêche reçue par l’Amiral russe
La nuit dernière « Camperdown » fut informé que les rebelles élevaient des barricades contre le camp et se tenaient prêts à tirer en cas d’attaque.
Mer mauvaise.
Nuit tranquille
Signé Commandant russe
Candie, 10 Septembre, 2h40 du soir
Camperdown à l'Amiral Pottier
Djevad télégraphie pour demander que l'on laisse arriver par des vapeurs ou des embarcations, les provisions pour les troupes et la population.
Mes ordres sont que rien n'entre dans le port. Je lui ai répondu en le renvoyant au Conseil des Amiraux, que pour ma part je ne puis pas, sans des ordres directs reçus de vous, faire porter assistance à des gens qui sont en conflit armé avec les forces internationales.
S’ils n’ont pas de moyens d'existence, on n’avait qu’à les retirer, mais en ce moment même, ils peuvent causer de graves embarras à nos troupes en empêchant de leur faire parvenir des vivres, et c'est ce qu'ils font.
Signé Camperdown
10 Septembre 1898, 5h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Les Amiraux renvoient la dépêche identique suivante :
La situation devient très grave, les Chrétiens se rassemblent et marchent sur Candie où conflit avec Musulmans est imminent.
À Canée et Rethymno attitude des Musulmans devient menaçante.
Les Amiraux ont la conviction que les autorités turques, correctes en apparence, sont la cause du mouvement de Candie.
Ils jugent indispensable l'envoi immédiat d'un bataillon de renfort par Puissance.
Le Commandant anglais de Candie affirme d'après témoins oculaires, que des soldats turcs ont tiré sur Anglais.
Il est certain que les troupes turques n'ont rien fait pour empêcher l'émeute.
Plus de 600 Chrétiens, dont beaucoup femmes et enfants, ont été brûlés vifs ou massacrés dans les maisons.
En conséquence, les Amiraux demandent de la façon la plus formelle que le Gouvernement ottoman soit mis dans l'obligation d'éloigner immédiatement de l’île les 4.000 bachi-bouzouks de Candie, et faire suivre cette mesure du rappel immédiat des troupes et autorités turques.
D'autre part, en présence de ces événements, le Comité Exécutif a déclaré aux Amiraux qu’il ne pouvait plus continuer ses fonctions.
Nous l'avons décidé à rester à son poste en ce moment critique, il y a consenti mais seulement pour nous servir d’intermédiaire.
De fait, le régime provisoire s'est écroulé.
Dans ces circonstances, les Amiraux estiment que le moment est venu de régler définitivement la question par la nomination du Gouverneur demandé par les Crétois.
Amiral anglais n'ayant pas confiance dans l'envoi des télégrammes émis de Candie me prie de faire envoyer sa dépêche identique au Cabinet de Londres par intermédiaire de l'Ambassade de Paris.
Amiral Noël vient avec « Revenge » ; un aviso-torpilleur italien est annoncé.
Candie, 5h30 du soir
Camperdown à l’Amiral Pottier
Depuis mon télégramme au sujet des provisions pour les troupes turques, d'autres choses sont venues à ma connaissance et je pense qu’il serait désirable d'accéder à la demande et de permettre aux vapeurs de décharger : cela facilitera le débarquement de nos propres provisions et des renforts.
Télégraphiez si vous êtes de cet avis.
Signé Camperdown
10 Septembre 1898, 9h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Je demande à compléter d'urgence effectif de deux bataillons où il manque plus de 200 hommes.
État sanitaire très bon.
11 Septembre 1898 à voir date 23 Septembre ??????????????
Sphakianakis - Canée
Votre télégramme hier reçu, approuvons pleinement décision pas convoquer Assemblée, vous conseillons instamment rester au pouvoir et continuer coopérer avec Amiraux et représentants 4 Puissances.
Aux cercles politiques étrangers bienveillants Crète mesures abstention Exécutif et convocation Assemblée ont produit même fâcheuse impression qu’à nous.
Signé Guennadis
11 Septembre 1898, 10h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Commandant anglais télégraphie de Candie que troupes internationales se retranchent dans camp anglais et que navires sont prêts à les soutenir de leurs canons.
Il a acquis certitude que le mouvement était préparé ; il n'ajoute pas que c'était avec connivence des autorités, mais c'est ma conviction profonde.
Hier après-midi, un simple coup de feu inopiné à Canée y a produit émotion indescriptible, tous magasins fermés.
D'un bout de l'île à l'autre, tous Chrétiens en armes ; le massacre de Candie les a exaspérés. Les Comités nous adressent lettres insolentes nous reprochant de laisser les Chrétiens livrés aux Turcs malgré nos promesses de les protéger ; que répondre après massacre de Candie ?
Une solution immédiate et radicale s'impose si nous ne voulons pas perdre tout prestige et éviter catastrophe que exaltation portée à son comble rend possible d'un instant à l’autre.
11 Septembre 1898, 11h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Correspondant Havas a télégraphié agence nouvelle relative Sitia absolument fausse.
Commandant français signale émotion mais aucun danger.
Saisir occasion pour appeler attention sur dépêches Havas dont correspondant ici est français, et secrétaire particulier du Gouverneur ottoman.
Ai exigé rectification dépêche Havas relative Sitia sous peine d'expulsion correspondant. Rectification a été faite.
11 Septembre 1898, 10h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Prière envoyée par transport matériel complet literie pour bataillon.
Vu nécessité surveillance très active, une brigade de gendarmerie à pied est indispensable.
12 Septembre 1898, 10h du matin
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Prière envoyer urgence imprimés Conseil de guerre, codes et commentaires.
« Lombardia » arrivée.
12 Septembre 1898, 2h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
500 soldats anglais et cuirassé « Revenge » avec Contre-Amiral anglais sont arrivés.
Sont en route « Illustrious », « Venus » venant de Malte ;
et d’Alexandrie, le bataillon de Fusiliers de Galles qui avaient quitté Candie.
13 Septembre. Candie, 8h du soir
Le colonel Reid et les soldats de tous grades de l'infanterie légère de Highland me prient de remercier les Amiraux de leur bienveillant télégramme de condoléances. Ils regrettent que leurs nombreux travaux les aient empêcher d’exprimer plus tôt le grand cas qu'ils font de la sympathie des Amiraux.
13 Septembre
Télégramme envoyé à l’Amirauté Londres et au Commandant en Chef à Malte, par le contre-Amiral Noël
J'ai débarqué hier.
Je suis allé visiter les positions militaires.
J’ai vu le gouverneur Edhem Pacha à bord aujourd’hui.
J’ai insisté pour arrestation immédiate des meneurs et pour des mesures devant mettre en sécurité les positions occupées par nos troupes.
J'ai proposé de faire désarmer les Crétois musulmans par troupes turques.
Le Gouverneur a consenti et promet de le faire.
Il demande la garantie que les Musulmans désarmés seront protégés contre Crétois.
Je l'ai informé que le cordon actuel sera maintenu, et il l’a considéré comme suffisant jusqu'à ce que la permission d'assurer la garantie soit approuvée en Angleterre.
Le Gouverneur a été informé que, si l’on tire encore sur les troupes, les navires ouvriront le feu sur la ville.
Pour le moment tout est tranquille.
13 Septembre 1898, 9h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Bataillon italien arrivé.
14 Septembre 1898
Télégramme chiffré adressé à la Diplomatie à Paris, par le Consul Général de France à la date du 14 Septembre 1898
L'Amiral anglais qui est à Candie exige des autorités ottomanes les mesures suivantes :
1° Désarmement des bachi-bouzouks de Candie.
2° Remise entre ses mains des principaux meneurs.
3° Destruction de 39 maisons qui dominent le camp anglais et dans lesquelles les bachi-bouzouks s'étaient retranchés.
Un délai de 48 heures est accordé.
Après avoir donné des réponses évasives, le Gouverneur Général s'est adressé aux Amiraux qui sont à La Sude et leur demande de faire surseoir à l'application de ces mesures, La Porte proposant aux Puissances la formation d'une commission mixte chargée de découvrir et de punir les coupables et de procéder au désarmement de la population musulmane et chrétienne.
Les Amiraux ont répondu simplement qu'ils approuvaient les mesures prises par l'Amiral anglais.
En dehors du fait que la formation d'une commission mixte serait considérée ici comme n’ayant pour but que de gagner du temps et d'étouffer l’affaire, la proposition du désarmement de la population musulmane et chrétienne allumerait l'incendie d'un bout de l'île à l’autre.
Le désarmement des bachi-bouzouks musulmans doit être une des sanctions du massacre de Candie et de la mort des soldats européens.
Le désarmement de la population chrétienne ne peut être que la conséquence du départ des troupes turques.
Je dois signaler encore une fois que le Président et les membres du Comité Exécutif font des efforts surhumains et dignes de tout éloge pour retenir la population chrétienne, qui est partout sous les armes et prête à franchir les cordons.
Ils n'y parviennent qu’en assurant à la population que les Puissances négocient pour obtenir ou imposer le retrait immédiat et complet de l'armée turque et des fonctionnaires ottomans.
Mais si une solution satisfaisante n'intervient pas dans un court délai, nos soldats devront probablement accomplir la besogne odieuse de tirer contre les Chrétiens pour repousser leurs attaques contre les villes.
Les Amiraux qui voient le danger arrivant, des deux côtés à la fois, se trouvent dans une situation de moment en moment plus lourde et plus délicate. Ils ont besoin que les Gouvernements leur accordent tout leur appui en imposant à La Porte une solution immédiate et radicale.
Signé Blanc.
14 Septembre 1898, 8h55 du matin
Dépêche adressée à l'Amiral Pottier, Doyen des Amiraux par Son Excellence Ismaïl Bey
Nous avons immédiatement autorisé Edhem Pacha à se conformer à la note qui lui a été remise par Monsieur l'Amiral anglais en ce qui concerne les décisions de notre ressort telles que la remise du bastion Est aux troupes anglaises, du produit des dîmes à partir du 3 Septembre et des mêmes recettes à venir.
À ce qui a trait à la démolition des maisons situées devant Jenikiork, campement des troupes internationales, nous avons ordonné pour enlever toute crainte de cette part, de remettre ces maisons aux troupes anglaises, afin que celles-ci les occupent elles-mêmes dans le but de prévenir une démolition inutile.
La mise en demeure d'exécuter dans les 24 heures toutes les dispositions qui seront édictées par le Colonel anglais est un point si vague qu’il doit être précisé avant de nous prononcer.
Mais si les mesures édictées sont de notre ressort et dans notre pouvoir, elles recevront naturellement satisfaction.
Quant à l'arrestation et la remise à Monsieur l'Amiral anglais dans les 48 heures des fauteurs des derniers troubles, nous avons sollicité télégraphiquement les instructions de la Sublime Porte, car il est hors de notre pouvoir d'y adhérer sous notre propre responsabilité.
Afin de ne pas compliquer davantage une si grande situation et pour éviter peut-être le versement inutile du sang par une action brusque, nous faisons appel aux sentiments d'humanité de Messieurs les Amiraux pour nous permettre d'attendre la réception complète des instructions sollicitées de Constantinople.
Signé H. Ismaïl
14 Septembre 1898, 11h du matin
Réponse faite à la dépêche ci-dessus, par l'Amiral Pottier
Amiral russe étant absent momentanément, je ne pourrai répondre à votre télégramme que ce soir, à son arrivée.
Signé Pottier
14 Septembre 1898, à 12h05 du soir
Dépêche adressée à l'Amiral Pottier, Doyen des Amiraux, par Son Excellence Ismaïl
Monsieur l'Amiral anglais ayant fixé le délai de commencement de démolition à 2 heures après-midi aujourd’hui, nous vous prions de l'inviter à surseoir à cette décision jusqu'à l'arrivée de monsieur l'Amiral russe.
Signé Ismaïl
14 Septembre 1898, à 12h05 du soir
Dépêche adressée à l'Amiral Pottier, Doyen des Amiraux, par son Excellence Ismaïl et Son Altesse Djevad
Sur l'incident regrettable et fâcheux de Candie, la Sublime Porte, d'après l'instruction que nous venons de recevoir, s'est adressée aux Grandes Puissances, afin de former une commission internationale pour le désarmement des Musulmans, pour découvrir les coupables, les arrêter et les punir d’après la loi, et en même temps pour décider aussi par des mesures sages, le désarmement des Chrétiens.
Nous sommes chargés par notre Gouvernement de vous prier de surseoir à toute résolution concernant ce malheureux incident, jusqu'à la décision éclairée des Grandes Puissances.
Pénétrés de leurs hauts sentiments de justice et d’équité, nous espérons que Messieurs les Amiraux voudront bien attendre la décision de leurs Gouvernements respectifs, sans donner cours à un acte de représailles.
Signé Ismaïl et Djevad
14 Septembre à 2h15 du soir
Dépêche adressée à l'Amiral Pottier, Doyen des Amiraux, par Son Excellence Ismaïl
Ai l'ordre de la Sublime Porte de faire démolir les 39 maisons si Monsieur l'Amiral insiste sur cette décision.
signé Ismaïl.
14 Septembre 1898, 2h30 du soir
Réponse faite aux dépêches ci-dessus, par le Conseil des Amiraux
En attendant les instructions de leurs Gouvernements, les Amiraux approuvent les mesures prises par l'Amiral anglais.
Signé Pottier
Affaire de Candie
Suite des télégrammes adressés au Gouvernement par Monsieur l'Amiral Pottier
14 Septembre 1898, 5h du soir
Télégramme de l’Amiral Pottier à Ministre Marine Paris
Les Amiraux envoient la dépêche identique suivante :
Irritation des Chrétiens augmente à mesure que sont connus détails massacre.
Le Comité Exécutif a beaucoup de mal à les empêcher de marcher sur villes.
S'ils veulent franchir les cordons, ils vont se trouver en conflit avec les troupes internationales, ce qu’il faut éviter à tout prix.
C’est en présence d'une telle éventualité que les Amiraux se permettent d'insister encore une fois, sur la nécessité d'une solution immédiate et radicale.
15 Septembre 1898, 1h du soir
De La Sude.
« Vautour » arrivé de Candie.
Donne détails épouvantables sur massacres et atrocités commises. Soldats turcs ont pris ouvertement part au pillage, volant les gens qu'ils sauvaient.
Et pendant ce temps Djevad demande suspension répression jusqu'à nomination commission internationale pour élucider ce qu'il appelle « l'incident fâcheux de Candie ».
Ce serait encore une fois l'absolution de toutes les infamies.
J'adjure que Gouvernements ne suspendent pas pas exécution des mesures prises par Amiral anglais, approuvées par Amiraux, et ne pas consentir à nomination commission internationale.
Signé Pottier
16 Septembre 1898, 9h du matin de La Sude
« Bouvet » arrivé.
Signé Pottier
16 Septembre 1898, 8h du soir de La Sude
43 meneurs arrêtés sont à bord cuirassé anglais.
Renforts porteront garnison Candie à 3.000 Anglais, Italiens Français et Russes rallieront Canée lundi.
Signé Pottier
16 Septembre 1898————-à vérifier date———-
Vice-Consul français Candie
Autorités locales ordre de l'Amiral Noël abattirent 39 maisons d’où bachi-bouzouks avaient tiré sur camp anglais, lui livrèrent hier 43 incriminés, 7 aujourd'hui.
Amiral exige désarmement de la population musulmane qui se déclare prête à s'y soumettre.
Sir Chermside arrivé.
« Alexandrina » part aujourd'hui à Alexandrie, transporter un bataillon.
Ville tranquille.
Suis sur « Revenge » pouvoir y prendre renseignements.
Signé Ittar
Procès-verbal de la séance du 18 Septembre 1898
Dans leur séance de ce jour, les Amiraux décident d'établir l'historique des événements de Candie et des dispositions qu'ils ont prises en les apprenant.
Le 6 Septembre, à la suite de la dépêche ci-dessous, émanant de Candie, 2h30 du soir et communiquée par le commandant du « Camperdown » :
Anglais attaqués, plusieurs blessés, envoyez navires, les Amiraux se sont réunis.
Il a été décidé que le « Camperdown » et « l’Astroca » partiraient pour Candie aussitôt prêts, et qu'ils seraient suivis par les navires de la flotte internationale « Etruria », « Donetz » et « Vautour » dont les Commandants recevraient pour instruction de se mettre aux ordres du Commandant du « Camperdown ».
De plus, ces bâtiments devront avoir leur compagnie de débarquement prête à être mise à terre s'il y a lieu. Des ordres sont donnés en outre au Commandant Supérieur international de tenir prêtes à partir pour Candie au premier signal une compagnie de Bersaglieri et une compagnie d’Infanterie de Marine.
Il n'est pas prévu de compagnie russe, à cause de la situation particulière de Rethymno, où l'agglomération des réfugiés musulmans est considérable, et dont la garnison peut avoir besoin d'être doublée d'un moment à l’autre, ainsi que l'Amiral russe en a prévenu ses collègues dans la séance du 29 Juillet.
Mais en présence de la situation, l'Amiral russe mettait ses torpilleurs à la disposition du Commandant anglais, pour maintenir une communication rapide dans le cas où le télégraphe serait détruit.
Il détachait aussi à Candie son Chef d'état-major qui parle couramment l'anglais ; et le mettait à la disposition entière du Commandant du « Camperdown ».
Le 7 Septembre, à 2 heures du matin, à la suite d'une dépêche du Commandant de « l’Astroca » (premier navire arrivé à Candie) qui demandait des troupes de renfort, le Commandant Supérieur international reçoit l'ordre d'envoyer à La Sude les deux compagnies désignées.
Celles-ci s'embarquent à 8 heures sur le « Morosini » qui part à 9 heures.
L'intention de l'Amiral italien est de rentrer son pavillon en arrivant à Candie, de façon à laisser le commandement au Commandant du « Camperdown ».
Dans la soirée du 7, vers 6 heures, le torpilleur russe « 119 » revient de Candie apportant les premières nouvelles du Commandant du « Camperdown », dont voici le résumé :
Dans la matinée du 6, le Colonel Reid a reçu une députation de Beys musulmans.
Après avoir exposé leurs griefs, dont le Colonel promit de tenir compte, il fut question de la dîme, et les Beys jurèrent qu'il n'y aurait aucun désordre.
À 2 heures de l'après-midi, le Colonel Reid, accompagné des nouveaux employés de la dîme, vint pour se faire ouvrir le bureau, qui est situé sur le quai, en dehors de l'enceinte.
Là, il trouva le Major Churchill, Commandant de la Gendarmerie.
Le « Hazard » avait débarqué un petit détachement pour garder les alentours.
Après avoir fait attendre la clef un moment, on ouvrit le bureau, et les nouveaux commis commencèrent à prendre le service ; le Colonel Reid engageait l'un des anciens employés subalternes à conserver ses fonctions.
Au moment où il s'occupait de cela, le Colonel entendit le bruit d'une fusillade dans les rues. Il se précipita à la porte de la ville pour se rendre compte de ce qui se passait, et trouva un piquet de soldats bousculés par les Musulmans et repoussés sous la voûte.
Trois soldats poignardés par derrière étaient tombés, et le fusil de l'un deux partit et tua un Musulman.
Le Colonel Reid revient au bureau de la dîme et envoie quelques soldats renforcer le corps de garde de la porte.
Aussitôt la porte est fermée, un feu très nourri part du rempart ; et comme si l'on n'attendait que ce signal, la fusillade commence dans tous les quartiers de la ville.
Le feu est si nourri que la petite escorte du Colonel est obligée de se retirer dans les bureaux de la Douane, où elle est traquée par les Musulmans qui mettent le feu aux maisons voisines, dans l'espoir de la déloger ; le peloton de la porte a son officier tué et est presque complètement anéanti sous le feu terrible qui part des toits et des fenêtres.
Il se retire sur la « Turquoise » (bateau-citerne ancré dans le port) où il trouve un refuge.
Presque aussitôt, quelques soldats, des Highlanders qui jouaient au football dans le camp, sont subitement fusillés des maisons qui font face au terrain d'exercice ; et à partir de ce moment, chaque soldat qui bougeait de tente en tente, ou se montrait, essuyait une décharge.
Il fut découvert ensuite que ces maisons étaient percées de meurtrières.
Vu l'état des rues de la ville, il est impossible au camp de porter secours à son Colonel dont la situation est désespérée.
Deux canots sont envoyés du « Hazard » et fusillés au moment où leurs hommes débarquent ; 4 hommes de leur armement sont tués.
Ce n'est qu'à 5h30 du soir qu’Edhem Pacha arrive, à la Douane, prétextant qu'il vient d'apprendre seulement la fâcheuse position des troupes anglaises ; il les escorte jusqu'à la « Turquoise » qui appareille aussitôt, emmenant les morts et les blessés.
La fusillade et les incendies durent toute la nuit du 6 au 7.
À 8 heures du matin le 7, Edhem Pacha vient à bord du « Camperdown ». Il affirme solennellement au Commandant que la tranquillité de la ville serait préservée, que les troupes et les Chrétiens seraient en sûreté et qu'il n'y aurait pas de nouveaux désordres.
Le Commandant lui dit clairement que s'il survenait un nouveau conflit avec les troupes, ou que si un seul coup de fusil était tiré dans le voisinage du camp, enfin qu'à la première apparence d'attaque, ou de désordre, les mesures les plus sévères seraient prises à l’instant, et sans autre information, par les navires mouillés devant la ville, et que lui Edhem, serait tenu personnellement responsable de leur résultat.
Les Chrétiens du dehors sont très excités ; ils ont appris, ce qui est à peu de chose près la vérité, que tous les Chrétiens de Candie sont massacrés ; ils se massent et se tiennent prêts à passer le cordon pour aller livrer bataille aux Musulmans et venger leurs coreligionnaires.
Les pertes connues jusqu'alors sont :
Pour les Anglais :
Tués 1 officier et 10 hommes.
Blessés 2 officiers et 40 hommes.
De plus, on apprenait bientôt que deux soldats anglais ont été assassinés en rentrant du cordon. Leurs corps cachés en dehors des portes de la ville n'ont pu être retrouvés.
Le Vice-Consul anglais a été tué.
Chrétiens massacrés dans l'intérieur de la ville, environ 500.
Le 7 au matin, les navires de la flotte internationale « Vautour », « Etruria », « Donetz » mouillent devant Candie.
Dans l'après-midi, le « Morosini » arrive avec les deux compagnies de renfort. Elles débarquent le 7 au soir à Paleokastro, et entrent dans la matinée du 8 au camp anglais sur les remparts de Candie, sans incident.
En même temps, les pavillons français, russe et italien sont hissés sur les remparts de Candie à côté du pavillon anglais.
Le « Donetz » débarque une petite garde pour son pavillon. Le « Morosini » repart pour La Sude.
Dans la soirée du 7 également, le Président Sphakianakis, du Comité Exécutif, adresse aux Amiraux une lettre dans laquelle ce Comité déclare avoir l'intention de résilier ses fonctions et de renoncer à poursuivre l'installation d'un Gouvernement provisoire à laquelle ils se sont prêtés en toute sincérité, mais qui ne répond pas à leurs aspirations nationales, et qui vient d'avoir pour résultat les événements douloureux de Candie, le soulèvement de la populace musulmane, ainsi que cela se passe d'ailleurs chaque fois qu'il s'agit d'exécuter des réformes.
En présence de ces faits, les Amiraux se réunissent le 8 Septembre, dès le retour du « Morosini » ; ils font appel aux sentiments de patriotisme du Comité Exécutif et le persuadent qu'il ne doit pas quitter son poste dans ce moment critique ; ils obtiennent de lui la promesse qu'il restera pour leur servir d'intermédiaire, mais sans poursuivre l'établissement du nouveau Gouvernement.
Puis les Amiraux discutent les termes de la dépêche identique qui doit expliquer la situation actuelle et les mesures urgentes nécessitées par les derniers troubles :
D’abord, désarmement des Musulmans de Candie, leur exil, et demande formelle du retrait des troupes et autorités turques qui ont peut-être été les provocatrices des derniers massacres.
La dépêche identique est envoyée le 10, seulement après approbation du Commandant du « Camperdown ».
Le 8 Septembre, les Commandants des navires de chaque nation présents sur rade de Candie se réunissent en conférence à bord du « Camperdown » et rédigent à la fin de leur réunion le procès-verbal qui suit :
Dans leur séance du 8 Septembre, les Commandants des navires de guerre des quatre Puissances ont décidé :
1° Que les pavillons de ces nations seront hissés sur les remparts ou sur un des forts de la ville de Candie.
2° Qu'une lettre au nom des Commandants sera adressée par le doyen des Commandants au Gouverneur de Candie, l'informant qu'à cause de l’insécurité qui règne pour la vie et la propriété des habitants de cette ville, insécurité prouvée par les derniers massacres si terribles, ils ont donné la permission à leurs Consuls de se rendre à bord des bateaux de guerre de leurs nations respectives, en laissant flotter leur pavillon au-dessus de leurs résidences consulaires, qui seront, ainsi que les sujets étrangers et leurs propriétés, mises sous la protection des autorités turques, en prévenant le Gouverneur dans la même lettre, que si la tranquillité et la sécurité publiques étaient une fois de plus menacées ou mises en danger, de quelque manière que ce fût, les Commandants prendraient les mesures qu’ils jugeraient convenables, et qui pourraient être très graves, en laissant la responsabilité de tous les malheurs qui en résulteraient, retomber sur le Gouverneur.
Suivent les signatures des quatre Commandants.
Le 9, ils se réunissent de nouveau chez le Commandant Supérieur anglais et tiennent les délibérations suivantes :
1° Le Commandant Supérieur anglais a communiqué les réponses à deux lettres qu'il a envoyées, au nom de ses collègues, à Edhem Pacha, Gouverneur de Candie.
Dans la première de ces lettres, le Gouverneur l’informe entre autres choses :
Que la tranquillité dans la ville est entièrement rétablie aujourd'hui, grâce aux mesures, qui ont été graduellement prises à partir du terrible fait de mardi, qui avait éclaté comme un coup de foudre.
Je suis donc entièrement en état de me charger de la protection des résidences de Messieurs les Consuls et des sujets étrangers ou non, absolument comme le temps qui a précédé le fait de mardi.
2° Pour la seconde lettre par laquelle les Commandants réclamaient l'accès dans les deux forts occupés par les troupes turques, pour les troupes internationales, le Gouverneur répond par un consentement (les forts ont été depuis occupés par les troupes des grandes Puissances).
3° Dans la même lettre, le Gouverneur donne l'explication concernant les barricades remarquées dans les fenêtres en face du camp, et promet d'y placer un nombre suffisant de gardiens, afin de donner la sûreté la plus complète aux troupes internationales. Pour les fortifications à faire devant la résidence des troupes internationales, il est obligé d'en référer à La Canée.
4° La situation des troupes internationales à Candie a été discutée, et quoique les commandants l’aient trouvée dangereuse, ils ont résolu pour plusieurs motifs de la maintenir.
Les Commandants ont décidé :
5° Qu'une lettre sera envoyée au Gouverneur par le Commandant Supérieur insistant pour que la perception de la dîme soit exécutée au nom des Amiraux et suivant les règles établies à ce sujet ; et que chaque jour la recette et les comptes soient renvoyés au Commandant anglais à Candie.
Comme la sécurité des employés chrétiens du bureau de la dîme ne peut pas être assurée, les Commandants font reposer sur Edhem Pacha, le soin de percevoir la dîme par ses propres employés jusqu'à nouvel ordre.
6° Envoyer une lettre à Edhem Pacha, Gouverneur de Candie, lui demandant d'arrêter les meneurs de l'émeute du 6 Septembre, les coupables qui ont tiré sur les troupes internationales, les incendiaires et ceux qui ont pris une part marquée au massacre des Chrétiens, de les remettre entre les mains du Commandant Supérieur sur rade de Candie.
7° Avertir Edhem Pacha qu'il fasse exécuter ponctuellement et le plus tôt possible les diverses demandes que les Commandants lui ont adressées et pour lesquelles les Commandants attendent une réponse immédiate, les informant des dispositions qu'il compte prendre.
8° Prévenir le Gouverneur que les Commandants seront obligés de recourir à des mesures coercitives, comme ils y sont décidés, si leurs demandes ne sont pas accordées dans le temps que les Commandants jugeront nécessaires pour leur exécution.
Suivent les signatures des quatre Commandants.
Dans la nuit du 9 au 10, les navires de la flotte internationale, prévenus par le Commandant anglais que le camp pourrait être attaqué pendant la nuit, prennent leurs dispositions de combat et se tiennent prêts à appuyer toute action du Commandant Supérieur, suivant les indications qu'il leur a données.
Le « Vautour » est remplacé devant Candie par le « Faucon », et le « Donetz » par le « Groziatchy ».

Le Groziatchy
Entre-temps, le Commandant Supérieur anglais continue à tenir les Amiraux au courant de la situation à Candie.
Le 9, il signale que les Chrétiens ont affirmé que si les troupes internationales entraient sans encombre, ils se retireraient et, de fait, ils le firent comme ils l'avaient promis.
Le 10, pas de nouveaux troubles ; les Chrétiens demeurent corrects ; les troupes internationales ont pris position pour se tenir prêt à repousser toute attaque.
Le « Revenge », portant le pavillon du Contre-Amiral Noël arrive à Candie le 13.
Le 14, le contre-Amiral Noël adresse au Commandant Supérieur de chaque nation en rade de Candie la lettre suivante :
Candie, 14 Septembre 1898
Monsieur,
Je tiens à vous apporter, comme représentant de votre nation à Candie, tous mes remerciements pour les services que m'ont rendus la présence de vos navires et de vos troupes.
Je tiens le Conseil des Amiraux informé de tout ce qui est fait. Je n'ai encore pu exécuter qu'une partie des décisions prises par mon prédécesseur dans la séance du 9 à laquelle vous avez bien voulu assister.
J'ai l'honneur, etc.…
Signé Contre-Amiral Noël
Enfin, le 16, le Contre-Amiral anglais signalait, par le code international, aux bâtiments présents sur rade de Candie que les renforts reçus par les troupes anglaises lui permettaient de se passer de l'aide bienveillante des troupes internationales, dont on pouvait avoir un plus urgent besoin sur d’autres points.
En conséquence, les Amiraux ont décidé que les navires français, russes et italiens, rembarqueront, le lundi matin 19, les troupes que ces nations avaient mises à terre à Candie, et les ramèneraient à La Sude.
En même temps, les pavillons de ces trois Puissances seraient rentrés sur les remparts de Candie.
Enfin, jusqu'à la séance de ce jour, les nouvelles nombreuses qui arrivent de Candie, confirment de plus en plus tout l'odieux de la conduite des Musulmans et même des troupes turques, qui, si elles ont sauvé plusieurs familles chrétiennes, les ont dépouillées de tout, et se sont livrés pendant deux jours à d’écœurantes scènes de pillage.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 18 Septembre 1898
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Commandant Supérieur anglais signé : Hallett
18 Septembre, 4h du soir, de La Sude
« Foudre » arrivée.
Signé Pottier
18 Septembre 1898
De Trieste à Kelaïdis, Canée
Canevaro soumit projet organisation définitive.
Bulow visita nuit quatre Ambassades, représentant danger mesures projetées Candie.
Journaux conseillent Crétois ne pas gâter leurs positions favorables par actes violence.
Signé Bysantios
18 Septembre 1898
De Trieste à Kelaïdis, Canée
Canevaro propose :
Rentrée Allemagne Autriche concert ;
Invitation six Puissances ;
Sultan retirer troupes, fonctionnaires ;
Garantie suzeraineté turque ;
Occupation internationale île, Nomination Gouverneur.
Signé Bysantios
19 Septembre 1898
Vice-Consul de France Candie
Edhem vient de proclamer par affiches et crieur public que par ordre du Sultan armes doivent être délivrées à commission ad hoc.
Livraison déjà commencée.
Signé Ittar
20 Septembre 1898
Vice-Consul de France Candie
Jusqu'à ce soir, environ 1.600 armes livrées.
Sir Biliotti se rendit à Pazidos déclarer aux Chrétiens qu’autorités anglaises désarmant Musulmans dans région Candie ressentent toute la responsabilité qu'elles ont contractée de les protéger contre attaques des Chrétiens et que pareille tentative serait considérée comme attaque aux troupes anglaises.
Chefs Sfakiotes, Apokoroniotes et ceux des districts de Candie promirent abstention.
Les premiers s'embarqueront sur navire anglais pour rentrer chez eux.
Signé Ittar
N° 143
Séance du 21 Septembre 1898
Conformément à la décision du 10 Mai (PV N° 128), l'Amiral anglais nomme une Commission militaire anglaise qui fonctionnera à Candie . Cette Commission comme celles des autres Secteurs rendra ses jugements au nom des Amiraux, qui ratifieront les sentences.
L'Amiral anglais, ayant soumis aux Amiraux dans une lettre du 19 Septembre, une proposition qu’il trouvent trop importante pour être discutée en son absence, ceux-ci chargent leur doyen d'en informer l’Amiral Noël.
Les Amiraux ayant été saisis de plusieurs demandes d'emprunt à la caisse de la surtaxe, pour venir en aide aux familles européennes ou chrétiennes victimes des incendies et pillages de Candie, décident, d'accord avec le Corps consulaire, qu'en raison des circonstances exceptionnelles, un crédit peut être ouvert.
Mais il est bien entendu que la caisse de la surtaxe ne consentira d'avances, qu'à titre de prêts remboursables, et que ces avances ne dépasseront en aucun cas, la somme de 2.000 Fr. par famille.
Le Conseil des Amiraux délivrera les autorisations nécessaires et fixera le montant des sommes avancées à chaque famille suivant ses besoins.
La caisse de la surtaxe paiera sur le vu de l'ordonnance des Amiraux communiquée au doyen du Corps consulaire.
Monsieur le Gouverneur Général s'est plaint que les employés de la dîme nommés par les Amiraux percevaient le droit sur la pêche et le droit d’importation du tabac, taxes qui, d'après lui, doivent être prélevées par l’administration ottomane.
Les Amiraux décident qu’en raison des circonstances particulières où se trouve l’île, rien ne sera changé à la manière de procéder actuelle, qui a été prise au début, et que les droits continueront à être perçus par les employés de la dîme nommés par les Amiraux.
Il est en outre décidé que la municipalité d’Halepa est autorisée, pour l’entretien des routes et la création d'un marché, à percevoir les droits de patente et d’impôt sur les loyers.
Les fabricants de conserves de cédrats ne seront pas exempts du paiement des droits d’importation sur le sel, ainsi qu'ils l'avaient demandé, dans le courant du mois d'Août, par l’intermédiaire du Commandant de Sitia.
Autorisation est donnée de prélever sur les recettes de la dîme, les sommes nécessaires :
1° Au paiement des employés de cette dîme ;
2° Aux besoins imprévus des municipalités.
Chaque Commandant de Secteur devra faire tenir une comptabilité rigoureuse de ces dépenses qui seront prélevées sur les recettes locales, au fur et à mesure des besoins.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 21 Septembre 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
21 Septembre 9h30 du soir, de La Sude
Les Amiraux envoient la dépêche identique suivante :
Jusqu'à ce jour les Amiraux, agissant en vertu des instructions de leurs Gouvernements, avaient toujours commué la peine de mort prononcée par le tribunal militaire.
En présence des massacres de Candie, les Amiraux estiment que si la peine de mort est prononcée par le tribunal, elle devra être suivie immédiatement d'exécution sans qu'il soit nécessaire d'en référer aux Gouvernements et demande d'urgence réponse.
Ils sont d'ailleurs décidés à appliquer dans toute l’île, loi martiale avec toutes ses conséquences si c'est nécessaire.
Signé Pottier
22 Septembre 6h45 du soir arrivé le 23 Septembre à 2 heures du matin, Paris
De Paris Marine à Amiral Pottier, La Sude
Gouvernement a pris en très sérieuse considération situation exposée, soit dans les télégrammes collectifs des Amiraux, soit dans vos propres télégrammes.
Il n'a pas dépendu de nos efforts que les Puissances, également pénétrées de la nécessité d'assurer dans le plus court délai une solution décisive, se missent plus promptement d'accord sur les dispositions à prendre à cet effet dans voie indiquée par les Amiraux.
Nous continuons de poursuivre activement ce résultat qui paraît d'ailleurs devoir être prochainement atteint.
En attendant, Gouvernement attache, naturellement, le plus grand prix à ce qu'avec l'aide de vos collègues et moyennant autorité morale que vous avez acquise sur les Chrétiens, vous obteniez de ces derniers qu’ils continuent observer attitude strictement défensive, les circonstances paraissant de nature à exclure possibilité d'une nouvelle agression de la part des Musulmans.
Je vous autorise, conformément à la demande des Amiraux, si la peine de mort est prononcée par les tribunaux, à la faire suivre immédiatement d'exécution sans nécessité d'en référer au Gouvernement.
Je vous autorise également appliquer dans toute l’île loi martiale avec toutes ses conséquences si cela est nécessaire.
N° 144
Séance du 23 Septembre 1898
L'Amiral anglais, arrivé dans la soirée du 22, assiste à deux séances et met ses collègues au courant des événements de Candie.
Pendant ces séances, les Amiraux arrêtent les termes d'une dépêche identique ayant encore pour objet le retrait des troupes turques.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 23 Septembre 1898
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral anglais signé : Noël
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
23 Septembre 1898
Dépêche confidentielle reçue d’Athènes, pour Monsieur Sphakianakis, La Canée
Gouvernement Royal approuve déclaration Comité relative remise armes Chrétiens au Gouvernement autonome ; sommes heureux pouvoir vous annoncer que affaire Crète depuis trois ou quatre jours en très bonne voie, conseillons calme et patience.
Signé Guennadis
23 Septembre 1898
Dépêche identique
Les Amiraux déclarent que sans le concours des troupes turques, ils s'engagent à protéger les Musulmans.
Les Amiraux estiment que leurs Gouvernements pourraient s'appuyer sur cette déclaration pour exiger le retrait des troupes en fixant un court délai au-delà duquel les Gouvernements remettraient aux Amiraux le soin de faire partir les troupes turques.
Dans le cas où ils recevraient cette mission, les Amiraux demanderaient les troupes et les navires qu'ils jugeraient nécessaires.
D'autre part, à la demande des Amiraux, le Comité Exécutif déclare que les Chrétiens sont disposés à livrer leurs armes aussitôt le retrait des troupes turques.
En ce qui me concerne je n'aurais pas besoin troupes, mais division grands bâtiments pour faire démonstration et pendant peu de temps.
Signé Pottier. ((********mettre copie autographe Pottier)
26 Août / 7 Septembre 1898
Halepa
Le Président de l'Assemblée crétoise et du Comité Exécutif, à Son Excellence l'Amiral Pottier, Doyen du Conseil des Amiraux
Excellence,
Les événements dont Candie est depuis hier le théâtre, éclairent d'un jour sinistre la situation créée à ce malheureux pays.
Depuis trois ans il se débat au milieu d'une crise affreuse, et l'espoir qu’il parviendrait à s’en sortir s'évanouit de jour en jour.
Par déférence envers les grandes Puissances, nous nous sommes scrupuleusement conformés à toutes leurs décisions.
Nous avons accepté l'autonomie qu'on a proclamée, bien qu'elle ne répondît à nos aspirations nationales et nous n'avons fait depuis un an qu’en demander l'application.
Nous avons attendu en vain le retrait des troupes et des autorités ottomanes et le choix du Gouverneur, dont la présence seule aurait aplani tant de difficultés et épargné au pays tant de malheurs.
Nous nous sommes même prêtés dernièrement en toute sincérité à appliquer un régime provisoire, bien que les imperfections et les défauts en étaient trop évidents, pour laisser beaucoup de place à une espérance de réussite.
Au moment même où on allait se mettre à l'œuvre pour l'application de ce régime, les événements sinistres de Candie sont survenus pour faire échouer cette nouvelle tentative.
C'est la troisième fois depuis trois ans que ce phénomène se reproduit en Crète.
En 1896, en 1897, aujourd'hui encore, le soulèvement de la populace musulmane des villes a coïncidé d'une manière frappante avec le commencement de l'application des réformes et a eu pour résultat leur avortement, au milieu de scènes de pillage, d'incendie et de meurtre.
Cette coïncidence ne peut pas être fortuite.
Ce ne sont pas les masses populaires aveugles qui agissent avec une intelligence et une ponctualité pareilles.
D’ailleurs, on en a eu déjà la preuve positive lors des soulèvements analogues de 1896 et 1897.
Les Chrétiens ont acquis la ferme conviction que la répétition du phénomène est inévitable, et toute réforme impossible, tout autant que la populace musulmane des villes se sentira appuyée par la présence des troupes turques et que les fonctionnaires turcs seront là pour la mener et en faire un instrument aveugle et destructeur.
Dans ces conditions, on ne pourrait pas demander aux Chrétiens de se prêter à la continuation d'expériences qui aboutissent invariablement à de telles abominations.
Il serait à la fois injuste et inhumain de différer plus longtemps une solution définitive et de prolonger une situation qui impose tant de souffrances et qui fait couler tant de sang.
Dans un tel état de choses, et devant l'exaspération que les événements de Candie vont produire chez la population, le Comité Exécutif déclare à l'unanimité qu’il ne peut plus assurer la responsabilité du rétablissement et du maintien de l'ordre.
Il doit attendre que les conditions indispensables pour la réussite de cette tâche rendue si difficile soient créées et, tout d'abord, que les troupes et les autorités ottomanes soient retirées de l’île.
Les membres du Comité n'en continueront pas moins à user de toute leur influence pour contenir autant que possible la population chrétienne, extrêmement irritée à juste titre, dans les limites de la modération.
De mon côté, je crois devoir porter à la connaissance des Amiraux, qu’après cette décision du Comité, je me sens obligé de demander leur autorisation, pour procéder à la convocation de l'Assemblée afin de lui soumettre la nouvelle situation.
Veuillez agréer, Excellence, les assurances de ma haute considération.
Signé Sphakianakis
Lettre de l'Amiral Pottier au Président du Comité Exécutif
Monsieur le Président,
Le Conseil des Amiraux a pris connaissance de la lettre que le Comité Exécutif lui a adressée à la date d’hier.
Tout en reconnaissant la légitimité des observations présentées par le Comité Exécutif, et tout en lui donnant acte de la décision qu’il avait prise de décliner le mandat qui lui avait été confié, le Conseil des Amiraux pense qu'il est du devoir des membres du Comité de ne pas abandonner leur poste dans les circonstances critiques que traverse leur pays, et fait appel à leur patriotisme pour qu'ils y restent.
Si le Gouvernement provisoire a cessé d’exister, le Comité Exécutif doit en tout cas rester auprès des Amiraux pour servir d'intermédiaire entre eux et la population chrétienne.
Celle-ci doit, de son côté, conserver son calme et son sang-froid, persuadée qu'elle doit être que les événements de Candie n'ont pu que confirmer les Amiraux dans leur opinion qu'une solution définitive de la question crétoise s’impose, et qu'ils vont agir dans ce sens auprès de leurs Gouvernements.
Les Amiraux estiment en conséquence que la convocation de l'Assemblée crétoise est inutile et pourrait même être dangereuse.
C'est, ils le répètent, par la confiance qu'elle témoignera aux Puissances, par le calme et le sang-froid qu'elle saura garder, que la population crétoise facilitera la mission des Amiraux et leur permettra de la sorte d'obtenir la solution définitive que le pays désire.
27 Septembre 1898 12h10 du matin (reçu à 4h20 du matin)
Télégramme confidentiel
De Paris, Marine, à Amiral Pottier.
À la suite d'un échange de vues entre les 4 Puissances, le Gouvernement a jugé que, en considération de la démarche collective à faire à Constantinople dans le sens indiqué par les Amiraux, il convient qu'aucune condamnation à mort ne soit suivie d'exécution sans que vous lui en ayez référé.
Halepa, le 29 Août /10 Septembre 1898
Le Président du Comité Exécutif de l'Assemblée crétoise, à Son Excellence l'Amiral Pottier, Doyen des Amiraux
Excellence,
J'ai l'honneur d'accuser réception de la réponse à votre lettre du 26/7 que le Conseil des Amiraux a bien voulu nous envoyer à la date du 8 courant.
Comme il l’a déjà déclaré, le Comité Exécutif, tout en s’abstenant de s'occuper de tout ce qui aurait du rapport à l'organisation du régime provisoire qui n'a désormais aucun but, n'en continuera pas moins à user de toute son influence dans le sens de la modération, sans toutefois pouvoir assumer sa responsabilité à cet égard. En effet, les détails douloureux des éléments de Candie, dont on était loin de soupçonner au commencement la terrible gravité, l'importance des pertes matérielles subies par les chrétiens, le nombre considérable des victimes et, par-dessus tout, le caractère odieux de l'attentat évidemment concerté d’avance, et exécuté de sang-froid sous les auspices des autorités militaires ottomanes, produisent une irritation de plus en plus croissante chez les Chrétiens qu'il est très difficile de contenir.
Il est d’ailleurs aisé de comprendre que cette malheureuse population est à bout de patience.
De toutes parts, la même voix s'élève : « Nous ne voulons plus de solutions bâtardes »
Le pays veut rompre à jamais avec un Gouvernement qui a fait du pillage, de l'incendie et du massacre, une méthode d'administration.
Les demi-mesures et les fausses solutions n'ont fait que rejeter le pays dans l’état sauvage en le couvrant de ruines et de sang et lui préparer une situation impossible.
Il est temps de sortir définitivement de cette situation et de chercher la solution qui peut assurer à ce pays si éprouvé, la paix et la tranquillité qu’il n'a pas connues depuis si longtemps.
Le Comité Exécutif aime à espérer que les grandes Puissances ont envisagé la question dans ce sens, et que les efforts des Amiraux, pour lesquels les Crétois leur sont bien reconnaissants, y contribueront.
Le Comité Exécutif continuant à rester à sa place, sera heureux de servir d'intermédiaire entre les Amiraux et la population pour faciliter la solution tant désirée.
Veuillez agréer, Excellence, les assurances de ma haute considération.
Signé Sphakianakis
N° 145
Séance du 29 septembre 1898
L'effectif actuel des troupes européennes permettant désormais d'assurer en toutes circonstances la protection des Musulmans, les Amiraux ont décidé d'écrire au Gouverneur Général pour l'inviter à donner des ordres pour que les armes de guerre délivrées à la population par le Gouvernement local, dans les premiers mois de 1897, soient remises aux autorités ottomanes et déposées au Konak.
En écrivant au Gouverneur Général, le doyen des Amiraux le priera de faire savoir quelle suite il aura donnée à cette demande.
Les Amiraux décident qu’ils prendront à leur charge l’entretien et la nourriture des prisonniers à Castelli, Rethymno, Candie, La Canée et Spinalonga. Les frais occasionnés de ce fait, ne commenceront qu'à dater du jour où le présent procès-verbal aura été communiqué dans chaque Secteur.
Chaque Commandant de Secteur prendra les mesures qu'il jugera nécessaire pour l'exécution de cette mesure qui ne s'applique, bien entendu, qu’aux prisonniers détenus pour fautes commises depuis l'occupation internationale, et ne concerne en aucune façon les soldats ou marins ottomans condamnés par l'autorité militaire.
L’entretien et nourriture des prisonniers détenus, avant le 15 février 1897, resteront à la charge du Gouvernement local, si ces prisonniers ne sont pas transférés dans d'autres prisons de l'Empire.
À bord de « l'Amiral Charner », La Sude, le 29 Septembre 1898
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : Hallett
Le Contre-Amiral italien signé : Bettolo
Le Contre-Amiral russe signé : N. Skrydloff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
30 Septembre 1898
Télégramme d’Athènes à Comité
Tout porte à croire que affaire Crète marche à souhaits et que solution imminente dans cet état de choses.
Croyons que nous avons devoir de vous conseiller de nouveau d’user de toute votre influence pour maintenir ordre et tranquillité absolue, tout désordre pouvant avoir conséquences désastreuses.
Guennadis
30 Septembre 1898
Confidentiel
Amiraux à leurs Gouvernements.
Les Amiraux sont persuadés que l'annulation des précédentes instructions qu'ils ont reçues sur l'application de la peine capitale va démolir leur autorité et laisser aux Crétois l’impression que dans un moment décisif il manquera aux Puissances la force d'être entièrement d'accord pour imposer leur volonté.
Cette mesure augmentera l'irritation des Chrétiens, et encouragera les Musulmans à renouveler sur d'autres points de l'île les massacres de Candie ; de plus, elle rendra illusoire l'application de la loi martiale.